Naoshima, entre art, nature et sérénité

mardi 11 août 2015



Une île quasi-déserte et exilée consacrée à l'art contemporain, l'image de cette fameuse citrouille à pois, voilà ce que m'évoquait la douce sonorité de Naoshima - c'est-à-dire pas grand chose. Et pour être honnête, mon imaginaire avait même transformé la cucurbitacée en champignon géant, sans doute dans un délire psychédélique suite à l'infinité de lumières de Yayoi Kusama. Un matin brumeux, j'embarque à bord d'un ferry pour Naoshima sans vraiment savoir à quoi m'attendre mais j'arrive à bon port. Quelques installations (pas les plus réussies mais très prisées pour les selfies), de jolies et rustiques maisons en bois dont on ressent l'usure et l'histoire - beaucoup de maisons se retrouvent abandonnées, les plus jeunes étant attirés comme des mouches vers la grande toile d'araignée tokyoite, la population de l'île est vieillissante et décroissante - et un bus plus tard, me voici face à un torii, portail shinto marquant la séparation entre le monde physique et le monde spirituel, prenant racine dans le sable avec vue sur la mer intérieure de Seto.



Le ciel est gris, la lumière est douce, les tons oscillent entre le gris et l'or, la mer est calme, les discrets visiteurs se comptent sur les doigts de deux mains, l'atmosphère est sereine. Le gros légume jaune parsemé de pois au loin, nous attire comme des aimants et on a tous un peu la même fascination mêlée de respect, on le mitraille de photos mais dans un silence presque religieux, la vedette de l'île ne se prend pas le chou, elle est ronde, paisible, solaire, facile d'accès; elle parle à tout le monde. Une fois ces vitamines avalées, tous les autres touristes entament le marathon des musées mais moi j'ai envie de minéraux et me balade sur la plage qui regorge de trésors naturels, entre coquillages à ramasser ou à observer lorsque le mollusque est d'humeur sociable et puis je suis littéralement médusée par la beauté du motif qui se dessine sur la texture gélatineuse de l'animal marin. La découverte continue entre nature et installations d'art en plein air, entre Nikki de Saint Phalle, faune et flore. 



Emerveillée et ressourcée, je me mets à la recherche du premier musée et hôtel de l'île mais je n'aperçois pas le bout de son nez  au milieu de la luxuriante végétation, après quelques détours et une bonne montée, j'arrive enfin à la Benesse House, effacée de loin mais au caractère bien trempé une fois approchée. Il est impossible d'avoir une image entière du bâtiment qui dévoilera ses diverses facettes au fur et à mesure de l'expérience sans jamais se montrer en entier. De la pierre, du verre et puis beaucoup de béton, Tadao Ando n'a pas oublié son matériau fétiche bien qu'on soit entouré de forêt. Un peu surprenant au début et puis on se laisse vite bercer par la tranquillité des lieux, la froideur se transforme en douceur, l'architecture d'un premier abord déstabilisante accompagne  finalement on ne peut mieux les oeuvres d'arts (entre le bleu de Sam Francis ou le rosé de Rei Nato) ... et la nature environnante. 


Souvent l'art nous fait rêver ou bien réfléchir, ici il éveille mes sens, je suis dans le moment présent et pleinement consciente. Quand Tadao Ando parle d'architecture comme "un langage universel, une affaire de géométrie mais aussi de spiritualité. Selon les circonstances, on peut choisir un carré ou un triangle, mais, au fond, le résultat de tout cela doit être un lieu qui parle au coeur des humains" il a tout bon, le papier colle parfaitement à la réalité. Je n'ai jamais vu de musée sublimer autant les oeuvres d'art elles-mêmes, l'architecture, la verdoyante nature environnante, la mer et le ciel. Le célèbre architecte originaire d'Osaka "aime les espaces nus, les plans libres, les volumes simples et [il] travaille beaucoup l'idée de transition. Entre le dedans et le dehors, la nature et le construit, l'individu et le monde. [Ses] architectures sont ouvertes au vent, à la lumière et à l'ombre". L'espace créé nous permet non pas de nous focaliser sur une oeuvre puis une autre, mais à l'inverse de considérer tout ce qui nous entoure, ce qui est crée par l'homme, ce qui est offert par la nature, ce qui est plutôt durable, ce qui varie sans cesse comme la lumière ou bien la forme des nuages dans le ciel. D'ailleurs les rayons de soleil percent tout doucement les nuages pour diffuser une lumière plus chaude. Je ressors de la Benesse House (la partie musée uniquement, je ne pouvais pas m'offrir le luxe d'une nuit dans ce lieu d'exception) (remarque la vue depuis ma tente n'a presque rien à lui envier) encore plus apaisée et... éveillée. Me voilà prête pour aller un peu plus loin dans l'exploration, une plage déserte (bon, d'accord elles l'étaient toutes) m'appelle pour tremper les jambes dans l'eau très fraiche et savourer la douce chaleur du soleil sur ma peau nue. 

19 commentaires

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    1. Merci Camille pour ton commentaire! C'était tellement beau, impossible de rester insensible dans un endroit pareil, c'est le genre de beauté qui t'enveloppe tout entier.

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  2. Ça fait rêver on s y crois presque ....😊

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    1. Ce lieu a été un véritable havre de paix pour moi, heureuse que cela te permette de voyager en quelque sorte Dong Chay!

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  3. Des photos superbes, sublimées par une prose qui nous transporte dans ton voyage.
    Bravo pour ta très belle plume !

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    1. Merci beaucoup Geoffray, je suis contente que ça te plaise. Parfois il suffit que de quelques images ou quelques mots pour aller à l'autre bout du monde.

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  5. Tes photos sont vraiment superbes ! J'hésitais à y passer lors d mon voyage au Japon cet été, maintenant je regrette un peu : ) Mais merci pour cet aperçu !

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    1. Merci Maeva pour ton gentil mot.
      Naoshima, ca sera pour la prochaine fois! En tout cas, j´ai hate de voir tes photos du Japon.

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  6. Ah, je regrette de ne pas être passée par là quand nous sommes partis au Japon. Mais bon, il fallait bien faire un choix...
    Tu as une plume singulière et très agréable à lire, c'est un vrai plaisir de passer du temps sur ton blog. À bientôt !

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    1. Merci beaucoup Anais, mon blog est un petit nouveau donc ca fait toujours plaisir d'avoir des retours.
      Et pour Naoshima il n'est jamais trop tard!

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  7. Je reconnais cette citrouille à pois ;) L'endroit a l'air magnifique! Tu as raison, c'est beaucoup dans l'esprit du musée d'art moderne de Louisiana. Je prépare un voyage au Japon, donc je vais explorer ton blog ;) /J

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    1. Naoshima est sublime, on se sent vraiment pleinement là, au moment présent.
      J'ai adoré l'expo de Yayoi Kusama à Louisiana, et pour le coup on est complètement transporté dans son univers follement créatif. La chance pour ton futur voyage au Japon, j'y suis restée trois mois et j'ai tellement tellement adoré!

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  8. Je découvre ton blog grâce à ton commentaire sur le mien et je vois que nous avons de nombreux points communs : l'amour du Japon et....la nourriture :) Moi aussi, je suis une fan de Pho et j'ai tout le temps envie d'un banh mi...
    Tes magnifiques photos me font encore plus regretter de ne pas être allée sur cette île lors de mes 2 voyages au Japon, mais j'en projette de faire mon 3ème voyage la bas et cette fois ci, je veux vraiment y aller !!

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    1. Le Japon, la nourriture c'est tellement bon, alors la nourriture au Japon n'en parlons pas! La troisième fois c'est la bonne, j'espère que tu pourras aller à la belle et spéciale Naoshima. Tu connais sa petite voisine l'île Teshima tout aussi arty?

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  9. Je prends beaucoup de plaisir à parcourir tes articles, merci pour ce beau dépaysement :)

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  10. Merci beaucoup pour ta visite et tes petits mots Elise :)

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  11. C'est très beau, ça a vraiment l'air d'^tre un lieu unique, et on ressent bien la sérénité dans tes photos !

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    1. Merci pour ton commentaire, c'est en effet un lieu très très spécial... dans le bon sens du terme!

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